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30 mars 2010

Téléphonie mobile, la problématique des « One network »




Les communautés économiques africaines ont toujours prôné une libre circulation des personnes, des biens et des services afin de stimuler les échanges commerciaux, seuls gages d’un possible développement pérenne pour ces pays.


Se déplacer à l’étranger et rester virtuellement dans le réseau mobile de son pays, voila ce qu’offrent depuis quelques années certains opérateurs de téléphonie mobile africains à leurs abonnés.

L’abonné en roaming [1] peut alors recevoir ses appels entrants (Roaming IN) gratuitement et passer des appels sortants (Roaming OUT) au tarif d’une communication mobile locale ou à un tarif préférentiel.

La seule condition pour bénéficier de ce service est la présence d’une entité du groupe de l’opérateur du client visiteur dans le pays visité. Ce service est appelé « réseau unique » ou « One Network ».

D’abord lancé par Zain, puis suivi de MTN, ensuite Orange dans une moindre mesure, ces réseaux uniques permettent au client en roaming de garder son numéro d’appel, de recevoir gratuitement ses appels, sms, mms, et de recharger son crédit avec les cartes de recharge de l’opérateur visité.

L’ensemble de ces facilités permet au client de se déplacer d’un pays à un autre sans se soucier d’un possible gonflement de son budget télécom.

Dans une situation normale, pour chaque appel entrant, le client en roaming se voit facturé la réception de l’appel et ses appels sortants sont facturés comme une communication internationale. Cela se justifie économiquement car son opérateur reverse le montant correspondant au roaming à l’opérateur visité pour chaque acheminement d’appel vers cet abonné qu’il héberge sur son réseau.

Les deux opérateurs concernés, étant dans le même groupe, passent un accord pour facturer leurs clients roamers comme si ils étaient restés dans leur propre réseau. De ce fait du point de vue du client, ça semble gratuit, mais en réalité les deux opérateurs se reversent des taxes de terminaisons.

Ces « One Network » peuvent engendrer ce que l’on appel dans le milieu « les roamers éternels », ces clients qui restent de manière définitive en roaming. Prenons l’exemple d’un Guinéen abonné à Orange qui vivrait à Dakar et qui aurait le reste de sa famille en Guinée.

Il aurait plutôt tendance à acheter une carte SIM Orange à Dakar et à l’envoyer à ses parents en Guinée. De ce fait il pourra les joindre en ne payant qu’un tarif pour une communication locale en lieu et place du tarif international qu’il aurait payé s’il avait appelé sur un numéro Orange Guinée.

Ce modèle est aussi bien valable pour la guinée Bissau et pour le Mali, les autres pays concernés par le « One network » d’Orange limité aux entités du groupe SONATEL. Sur ce même modèle, MTN et ZAIN offrent mieux que Orange dans la tarification des appels sortants.

A première vue, ces « One Network » devraient pourvoir faire l’humanité grâce à leur caractère bénéfique pour les clients. Figurez vous que de plus en plus des voix se lèvent pour dénoncer la facette illégale des ces réseaux uniques.

Certaines des ces voix proviennent des régulateurs nationaux qui voient en cette initiative, faut le rappeler, prise par les opérateurs, une certaine manière pour les opérateurs de se délecter de la pression réglementaire au niveau national.

Certains opérateurs comme ORANGE juge le modèle du « One Network » pratiqué par MTN et ZAIN anticoncurrentiel car ne couvrant pas les coûts engendrés par un appel vers ou venant d’un abonné en roaming, raison pour laquelle le « One network » d’Orange opte plutôt pour un tarif préférentiel et non pour l’alignement sur la tarification locale.

Une preuve de la différence dans la démarche d’Orange, la Guinée vient d’être exclu de son « one network » en raison d’une nouvelle taxe sur les communications entrantes sur la Guinée. Orange a refusé d’endosser cette taxe supplémentaire et l’a répercuté sur le tarif de détail.

Désormais, lorsque notre guinéen vivant à Dakar appellera sur la SIM d’Orange Sénégal qu’il a envoyé à ses patents en Guinée, il devra payé le montant de la taxe fixée par le législateur guinéen, soit 60 Fcfa. Dans ce même pays, MTN maintien la gratuité des appels entrants pour un client de MTN Cote d’ivoire en visite à Conakry.

D’autres opérateurs peuvent être gêné par ces « One network » vue leur faible présence en Afrique. Prenons le cas de Tigo, présent au Sénégal et dans aucun autre pays en Afrique de l’ouest. Les spécialistes en droit de la concurrence pourraient vous expliquer aisément que d’une certaine manière le « One network » d’Orange crée une distorsion de concurrence sur le marché national du Sénégal en donnant une valeur significative à la carte SIM Orange par rapport à la carte SIM de TIGO.

Tigo subirait de ce fait une concurrence déloyale suite à une entente entre deux opérateurs, accord ayant comme effet de consolider Orange sur le marché de la téléphonie mobile au Sénégal. Ce raisonnement sera aussi valable pour MTN ou ZAIN dans les pays où ils sont en concurrence avec des opérateurs qui ne font pas parti d’un « One network ».

Les régulateurs nationaux doivent revenir sur l’idée selon laquelle ils peuvent agir sur le roaming car cette partie du marché est en dehors de leur champ de compétence. Sous d’autres cieux, les instances communautaires de régulation font des pieds et des mains pour ramener les tarifs du roaming à la baisse au bénéfice du consommateur.

En Afrique les opérateurs semblent avoir pris les devants en rendant ce roaming gratuit pour les clients appartenant au même groupe, pourquoi donc ces régulateurs devraient ils s’en offusquer ? Eux qui ont, rappelons le, en charge la régulation du secteur au profit du consommateur.

L’autre fléau qui menace le développement des « One network », c’est la prolifération rampante de décisions mettant en place une nouvelle taxe sur les communications internationales entrantes et aussi un outil de contrôle du volume de ce trafic, ce qui a pour effet de relever de manière substantielle la taxe de terminaison vers ces pays.

Cette inflation du coût de la terminaison d’appel vers ces pays (Congo Brazzaville, Guinée, ...) remet au cause le modèle économique des réseaux uniques. Je reviendrai de manière plus large sur ces États qui, inconsciemment (ou volontairement), sont entrain de ramener les tarifs des appels internationaux à la hausse.

Le modou-modou des télécoms

Source : L’Afrique des télécoms

Notes : [1] Abonné mobile qui quitte son réseau A d’un pays pour être reçu dans le réseau B d’un autre pays