« Les télécommunications sont le socle du développement des TIC»
Entretien avec Jean-Yves Sinzogan, Directeur de cabinet au Département du développement de l’entreprise, des télécommunications et de l’énergie de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest africaine
La transposition des textes relatifs aux TIC au niveau de l’espace UEMOA est un défi qu’entend relever bientôt la Commission de l’Union économique et monétaire ouest africaine à travers les différents projets intégrateurs y relatifs. Jean-Yves Sinzogan, Directeur de cabinet au Département du développement de l’entreprise, des télécommunications et de l’énergie de la Commission, évoque entre autres, cette problématique à travers cet entretien accordé à ebeninois.com.
Monsieur le Directeur de cabinet, où en est-on aujourd’hui avec le problème de transposition des textes relatifs aux TIC au niveau de l’UEMOA ?
D’abord, il faut dire que le problème de transposition des textes relatifs au TIC est un processus commun à l’UEMOA et à la CEDEAO dans la mesure où les textes de l’UEMOA sont des Directives qui ont inspiré les Actes additionnels que la CEDEAO a pris dans le même domaine. La CEDEAO s’est donc inspirée de nos textes, les a enrichis et complétés en ce qui concerne la fréquence et la numérotation, et en a fait des Actes additionnels.
Nous avons alors mis en place un dispositif commun de suivi de la transposition sous la forme d’un comité qui concerne l’ensemble de la CEDEAO. Evidemment l’UEMOA avait mis en place son propre dispositif de suivi de la transposition de ses directives.
Dans ce cadre, nous continuons d’appuyer de manière spécifique nos Etats membres. Aujourd’hui, je dirais que c’est le Burkina Faso qui est l’Etat le plus avancé, c’est-à-dire qu’il est le pays qui a une loi qui transpose effectivement les Directives de l’UEMOA et les Actes additionnels de la CEDEAO mais le décret d’application reste encore à prendre.
Aux dernières nouvelles, la Guinée-Bissau aussi a adopté une loi transposant les Directives. Les autres pays sont dans le meilleur des cas en train de finir le projet de loi ou l’ont soumis à l’Assemblée et puis il y a des pays où le projet connaît des blocages liés à des spécificités internes.
L’UEMOA réfléchit sur une série de projets intégrateurs notamment l’interconnexion. Quelle est la situation au niveau de la région ?
Nous avons souhaité réaliser l’interconnexion deux à deux de tous les pays de l’Union. Disons qu’en gros, nous avons quelques tronçons qui manquent pour que cette interconnexion deux à deux soit effective. C’est le tronçon entre le Burkina Faso et le Niger, entre le Burkina Faso et le Bénin, et, dans une certaine mesure, entre le Sénégal et
Ce sont les principaux tronçons qui manquent. Nous avons mis en place ce programme parce que c’est quand même important d’avoir une infrastructure communautaire complète et bien interconnectée si l’on veut pouvoir mettre en œuvre une politique commune des TIC.
Dans ce cadre, l’appui que nous apportons, c’est d’accompagner les Etats en réalisant les études, en les aidant à trouver les financements et en apportant au besoin une petite contribution pour concrétiser ces différentes actions, sous la forme par exemple d’une bonification des prêts.
Mais à l’état actuel des choses, nous ne finançons pas directement l’interconnexion. Ainsi, pour les tronçons que j’ai indiqués, sauf pour le tronçon entre
Quelles sont donc les actions à court terme ?
A court terme, nous entendons mener une réflexion sur le financement du secteur. Cette réflexion devient urgente compte tenu de l’impact attendu du secteur sur le développement de nos pays. Nous menons également une étude sur les tarifs d’interconnexion pour permettre aux autorités de bien comprendre comment est-ce que ces tarifs se calculent.
Une autre réflexion importante que nous sommes en train de mener porte sur la mise en place d’une sorte de réseau de téléphonie mobile intégrée qui permettrait à quelqu’un qui se trouve dans un Etat de l’UEMOA de ne pas ressentir le passage dans un autre Etat, s’agissant des services qui lui sont offerts et des coûts qu’il supporte, tant qu’il se trouve dans l’espace communautaire.
Il faut comprendre que jusqu’ici nous n’avons réellement travaillé que sur les télécommunications qui constituent quand même le socle nécessaire au développement des TIC. Maintenant, il nous faut aller vraiment vers les TIC. L’étude devrait déboucher sur un programme décennal avec des objectifs chiffrés dont la réalisation nous permettra dans une dizaine d’années, une vingtaine d’années, d’atteindre un niveau de développement satisfaisant des TIC dans tous nos Etats membres.
Voilà un peu les actions à court terme que nous sommes en train de mener ou que nous envisageons d’entamer. Comme vous le savez déjà, il existe un Comité régional des régulateurs du secteur des télécommunications ; il existe également une Conférence des opérateurs fournisseurs de services des télécommunications qui se réunissent régulièrement. Il sera question de dynamiser ces structures de façon à ce que les questions communautaires soient mieux prises en charge et que ces organes puissent mieux nous appuyer dans l’exécution des activités communautaires en matière de télécommunication et de TIC.
Les enquêtes ont révélé le surinvestissement des télécoms au détriment d’autres services tels que l’ingénierie conseil. Comment l’UEMOA travaille-t-elle à réduire cette disparité ?
Je ne sais pas si l’UEMOA peut travailler vraiment à réduire cette disparité sans l’implication active des Etats. Ce qu’il y a, c’est que les Etats ont libéralisé le secteur des télécommunications et les entrepreneurs privés investissent là où c’est rentable. La téléphonie mobile est rentable, donc ils y investissent massivement. Naturellement, on voit bien que le taux d’accès à la téléphonie mobile s’accroît très rapidement dans nos Etats et s’accompagne même d’un recul de la téléphonie fixe.
Or, l’impact que nous attendons des TIC sur notre développement ne se réduit pas à l’accès à la téléphonie mobile. Il s’agit de faire en sorte que tout le monde : les entreprises, les ménages et les administrations, puissent accéder aux services des TIC à des coûts compétitifs au plan international. Il y a donc lieu que la régulation prenne toute sa signification. Par exemple, dans les textes communautaires c’est-à-dire les Directives de l’UEMOA, nous avons prévu la création d’un fonds de développement et de service universel dans chaque Etat.
Certains Etats ne l’ont pas fait. Dans d’autres cas, le fonds existe et les ressources sont collectées mais leurs conditions d’utilisation méritent d’être améliorées dans le sens d’une meilleure efficacité. Il y a des Etats dans lesquels ces ressources ne seraient même pas utilisées.
Je crois donc que ce serait bien qu’on puisse mieux organiser ces fonds et que, comme je l’ai déjà dit, qu’on puisse régler globalement au plan régional le problème du financement du secteur, de sorte que
En somme, il y a nécessité d’une sorte de recentrage des acteurs publics nationaux et communautaires pour accompagner le développement harmonieux de l’ensemble du secteur en utilisant les ressources qui sont prélevées auprès du secteur privé et en recherchant des ressources complémentaires, si nécessaire.
Et pour cela, les organes de régulation ont un rôle fondamental à jouer. Ce n’est pas aisé parce que cela peut heurter des intérêts mais c’est comme cela que ça doit se passer, parce que c’est essentiel pour l’accélération de la croissance et du développement économiques.
Propos recueillis par Kokouvi EKLOU
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