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10 août 2006

L’offre « illimité » limitée par France Télécom et condamnée par le juge !


France Télécom condamnée pour le retrait de son offre « Atout 100% illimité » : retour sur l’offre pour comprendre les rebondissements et retenir les leçons … Sécurité juridique et retrait des offres et recommandations en attendant les suites judicaires de l’affaire.
France Télécom a été condamné à rétablir le contrat d'une abonnée qui avait souscrit un forfait "100% illimité 24h sur 24" !

Rappel des faits :
France Télécom avait lancé le téléphone 100% illimité (atout 100% illimité) pour appeler vers les téléphones mobiles, les téléphones fixes et vers l’étranger. Pour 79 euros par mois, cette offre limitée à 150.000 abonnements permettait de téléphoner 24h/24, de façon illimitée vers tous les opérateurs fixes et mobiles européens et d'Amérique du Nord. France Télécom avait décidé que l'illimité ne s'appliquera plus aux appels vers les mobiles à partir du 30 mai. Les communications vers les postes fixes restant illimitées.

Un usage "pirate" de ce forfait pousse l'opérateur historique à limiter cette offre. Pas de chance pour les 110.000 personnes qui ont souscrit le forfait "Atout 100% illimité" de France Télécom. C’est à la suite d’une fraude massive que notre partenaire avait jugé bon de changer les conditions de l’offre en modifiant unilatéralement les clauses du contrat pour « limiter l’illimité ». L'offre illimitée vers les fixes avait été maintenue mais réduite à 10h vers les mobiles.
On a vu naître des petits business", avait expliqué à Libération Pierre-Marie Bussières, responsable marketing de la téléphonie fixe chez France Télécom. Des revendeurs professionnels se faisant passer pour des abonnés résidentiels avaient ouvert des lignes frauduleusement et faisaient payer les communications, a confirmé la porte-parole. La modification de l'offre, qui compte 110.000 abonnés, ne pose aucun problème juridique et prendra effet le 30 mai, a-t-elle ajouté. Les communications vers les postes fixes en France, Europe et Amérique du Nord restent gratuites, a précisé la porte-parole, affirmant que le prix à la minute au-delà des dix heures gratuites reste le plus faible du marché à 6,9 centimes.
Selon l'agence Associated Press et Libération, qui cite Pierre-Marie Bussière, directeur du marketing à France Télécom, l'opérateur à été victime d'une "revente de trafic". Les escroqueries étaient bien montées. Le directeur marketing cite l'exemple d'une quinzaine de forfaits souscrits, à une même adresse, dans une résidence universitaire de la région parisienne dont l'une des chambres était transformée, grâce à des ordinateurs, en véritable plate-forme d'appels automatisée. Les accès téléphoniques à ce véritable standard étaient revendus pour quelques dizaines d'euros à des particuliers ou des sociétés de télémarketing. "Au total, près d'un millier de forfaits 100% illimité ont fait l'objet de détournement", a révélé Pierre-Marie Bussière qui est resté discret sur le montant du préjudice subi par France Télécom, tout en le qualifiant d'"assez élevé".
"Nous avons décidé de restreindre cette offre plutôt que de la supprimer ou d'augmenter les tarifs, parce que c'est l'issue la moins perturbante pour nos clients", souligne le responsable du marketing. Le mécontentement des abonnés à cette offre ne devrait pas être trop important. Selon France Télécom, deux tiers des clients de ce forfait consomment moins de dix heures par mois de communications fixes vers mobiles.
Rebondissement
Un client a saisi la justice. Par un arrêt du 05 juillet 2006, le juge des référés lui a donné raison.
Les arguments du juge des référés

1/ Impossibilité de modification unilatérale du contrat.
En effet, le juge des référés Jean-Yves Martorano a estimé que France Télécom avait "gravement manqué à ses obligations contractuelles" en modifiant unilatéralement les conditions de son offre.
2 / France Télécom a s’est fondé sur un motif vexatoire et déshonorante pour ses clients
Le juge a également estimé que "le motif public annoncé par France Télécom est vexatoire puisque aucun de ses abonnés n'est personnellement désigné et que tous peuvent se sentir concernés par cette accusation déshonorante".
3 / Obligation pour France Télécom de rétablir le contrat
France Télécom a été condamné à rétablir le contrat d'abonnement de l'abonnée sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et à lui verser 1.500 euros de provision à valoir au titre des préjudices moral et financier.
Réaction de FT pour le moment : "surprise" par la décision du tribunal.
Position France Télécom :
« Nous estimons être dans notre droit. Le Code de la consommation nous donne la possibilité de modifier un contrat à condition d'en informer nos clients dans les 30 jours et de leur donner la possibilité de résilier leur offre sans frais [dans une durée inférieure à 4 mois, l'article 121-84, NDLR]. Nos abonnés ont été prévenus par courrier ».
Une vision des choses que ne partage pas le TGI de Marseille. France Télécom a décidé de faire appel de la décision.
Recommandations :

1. Une offre doit clairement spécifier le segment auquel il est destiné. Elle doit par exemple préciser son caractère professionnelle ou résidentielle pour permettre d’exclure les autres catégories qui n’y ont pas droit. L’opérateur pourra se fonder sur le fait que toute utilisation non conforme constitue dés lors un manquement pouvant engager la responsabilité de l’auteur, l’opérateur se réservant le droit de résilier ou de poursuivre l’auteur.

2. Prendre en compte le risque de détournement des offres illimitées.

3. L’offre doit préalablement faire l’objet d’une étude d’opportunité en terme de bilan coûts- avantages -risques (comptabilité régulatoire si offre wholesale en vue ...)

4. Au-delà de la limitation sur le nombre de clients (150 000), il faudrait instituer une limitation dans le temps, pour éprouver le process et de vérifier l’utilisation conforme et la pertinence de l'offre avant de décider son maintien ou son retrait en cas de constat de fraude massive, de dénaturation ou d'échec de l'offre.

5. En cas de fraude massive créant un préjudice à l’opérateur, ce dernier doit formaliser le constat des fraudes en question (huissiers…), estimer le préjudice subi, poursuivre les clients détourné et donner une mesure de publicité à cette poursuite (communication forte et dissuasive). En effet, France Télécom aurait pu communiquer sur les premiers cas de fraude et alerter les clients des risques de poursuites qu’ils encourent en cas de fraude.

6. Un opérateur doit prévoir la possibilité de retirer ou de modifier contractuellement ses offres lorsqu’il en résulte un déséquilibre financier, une perte ou une fraude massive. Un dernier argument à invoquer dans ce sens serait de rappeler l’interdiction de vente à perte ... argument à méditer par FT pour justifier un retrait ou une modification de l'offre mais encore faut- t’il y a ait réellement perte ?
Article rédigé par Alpha THIAM, Samba DIOP, Jamil SYLLA.