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02 novembre 2007

Le verre de France Télécom







Le 20 octobre 1997, voilà dix ans, France Télécom entrait en Bourse et, avec lui, plus de quatre millions d'actionnaires dont plus de la moitié n'avait jamais auparavant acheté d'actions. Il est donc naturel que cet anniversaire donne lieu à quelques articles rétrospectifs sur les heurs et malheurs de l'action pendant ces dix années.
Comme d'habitude en France, c'est la tentation de montrer le verre à moitié vide qui l'a emporté, et l'on a fait valoir, ce qui est vrai, que le cours de l'action était inférieur à son cours d'offre publique, alors que dans l'intervalle la Bourse de Paris avait pratiquement doublé.
Mais, comme d'habitude aussi, on ne s'est pas intéressé à ce qui se passait à côté de chez nous. Comme je me sens quelque responsabilité vis-à-vis des quatre millions de souscripteurs de 1997, je voudrais leur présenter aussi le verre à moitié plein.
D'abord en comparant l'histoire de l'action France Télécom à celle de ses équivalents européens : Deutsche Telekom en Allemagne, British Telecom (BT) en Grande-Bretagne et Telecom Italia en Italie. La comparaison avec cette dernière est malheureusement rendue très difficile car la société a fait l'objet de deux raids boursiers successifs qui ont profondément modifié la structure de son capital et rendent son cours actuel (voisin de 2 euros) et ses résultats non directement comparables à ce qu'ils étaient il y a dix ans.
Pour les trois autres, si l'on regarde l'évolution des cours de Bourse par rapport aux cours cotés le 20 octobre 1997, les résultats dix ans après sont les suivants : Deutsche Telekom : - 22 %, British Telecom : - 6 %, France Télécom : - 13 %. Si l'on regarde maintenant les résultats opérationnels courants (2006 vs 1996), on voit les évolutions suivantes : Deutsche Telekom : - 22 %, British Telecom : - 21 %, France Télécom : + 51 %. Ce que racontent ces chiffres, c'est l'histoire de ces anciens monopoles qui ont affronté dix ans de chute des prix et de mutations technologiques plus violentes que celles qu'a pu traverser aucun autre secteur de l'économie en une période aussi courte. Ce n'est pas une histoire brillante, mais, dans ces circonstances, elle n'est pas non plus infamante. Et France Télécom, sans faire beaucoup mieux que les autres (et comment aurait-il pu se distinguer fondamentalement alors que son marché était balayé par les mêmes vagues ?) ne fait pas plus mal non plus, au contraire même du point de vue de sa performance opérationnelle.
Ensuite, pour être plus spécifique sur France Télécom, en racontant simplement la vie d'un actionnaire du premier jour. Bien sûr, la vie n'a pas été un long fleuve tranquille pour lui, car la valeur du titre s'est vue porter par la spéculation à des niveaux absurdes, sans aucune justification économique, d'abord à la hausse (219 euros par action en 2000, soit 45 fois le résultat opérationnel par action de l'année), puis à la baisse (6 euros par action en 2002, soit une fois le résultat opérationnel de l'année). Mais si cet actionnaire a gardé son sang-froid - et son action - qu'en est il aujourd'hui pour lui ?
Il a payé son action lors de l'offre publique du 20 octobre 1997 au prix de 27,75 euros. Deux ans plus tard, l'Etat lui attribuait une action supplémentaire pour dix achetées, ce qui ramenait son prix d'achat à 24,79 euros. Pendant presque toute la période, il a bénéficié de dividendes, pour 5,88 euros au total. Par ailleurs, lors des augmentations de capital, il a pu soit souscrire à un prix inférieur (15 euros pour la principale d'entre elles), soit, s'il ne le faisait pas, céder son droit de souscription, pour environ 4,50 euros. Si l'on prend l'hypothèse la plus défavorable pour lui, celle où il a vendu son droit de souscription, il a donc investi, net des rentrées de fonds, 14,41 euros. Investissement qui se compare au prix de l'action, dix ans après, qui est de 24,15 euros, soit un gain de 9,74 euros.
C'est l'équivalent de ce qu'aurait donné un placement à 4 % sur dix ans. Là non plus, ce n'est pas magnifique, et il s'est trouvé de meilleurs placements. Mais c'est tout de même mieux que ce qu'aurait donné un placement en sicav de trésorerie ou un livret d'épargne.
Quelle conclusion en tirer ? Que lorsque l'on investit en Bourse, on choisit une société et un secteur. Le secteur, celui des télécommunications, s'est révélé décevant, surtout comparé aux espoirs considérables qu'il a suscités à la fin des années 1990. L'entreprise France Télécom, elle, me semble avoir mérité la confiance que les souscripteurs de 1997 mettaient en elle, comme le montre l'amélioration de ses performances opérationnelles dans la durée, malgré les vicissitudes du secteur. C'est l'honneur de tous ses salariés".
MICHEL BON, Président de France Télécom de 1995 à 2002.