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12 mars 2008

RDC : Identification des usagés GSM : on veut bien mais comment?

Le 01 mars le Ministre de l'intérieur et celui des PTT ont annoncé une mesure imposant l'identification de tous les abonnés des opérateurs du secteur des télécommunications. Selon le communiqué officiel du gouvernement contresigné par les Ministres de l'intérieur Denis Kalume et celui des Postes, Téléphones et Télécommunications Louise Munga : « tout abonné qui ne sera pas identifié à la souscription d'un abonnement ne pourra avoir accès à aucun réseau national des télécommunications, » indique radiookapi.net
Sans s'opposer à cette mesure, il y a quand même des interrogations légitimes à avoir sur les libertés individuelles et sur les modalités d'application pratiques. En effet, le congolais est très jaloux de ses libertés individuelles coulées dans la constitution. Dès que l'on sent qu'il y a risque d'une remise en question les barricades se dressent. Cette mesure rocambolesque n’a pas laissée indifférent l'honorable Thomas Luhaka membre du MLC. Ce dernier a déploré le fait qu'une mesure aussi importante soit prise au niveau Ministériel alors qu'elle aurait eu plus de poids si elle avait été discuté devant les élus du peuple pour en faire une loi.On peut s'interroger, par ailleurs, sur l'urgence et surtout les raisons qui ont poussé les ministres à éviter un débat parlementaire sur un sujet aussi important qui touche directement à la vie privée des citoyens congolais. Un débat public aurait permit de transformer une disposition contraignante, en un acte compris et accepté par tous. Grâce aux amendements déposé par les élus la loi sera balisée en vue de garantir le respect des libertés individuelles. L'autre problème que soulève cette loi c'est celui de son application pratique sur le terrain: comment ces firmes privées identifieront-elles leurs clients?Mr. Bob Ntumba, le Chairman de Tigo et Président de la corporation de télécommunication à la Fec, a lancé une piste les call center dont chaque compagnie dispose : « C'est une bonne mesure, elle se fait dans le monde entier. On ne pouvait pas continuer à faire exception. C'est une directive étatique pas commerciale, c'est l'Etat qui veut maîtriser la gestion de sa population. N'ayez aucune crainte, nous avons les voies et moyens, et les procédures nécessaires pour rendre cette mesure effective. Dès qu'un abonné détient une carte Sim non encore identifiée, les services sont outillés, nous avons le service dit « Call Center », centre d'appel, au travers de quel nous allons joindre tous ces abonnés leur demander de décliner toutes leurs identités, en le rappelant que c'est une mesure gouvernementale. Donc elle s'impose à tous. La garantie, c'est la mesure étatique et légale de protéger la confidentialité des appels ».Concrètement le chairman de Tigo propose que la jolie voix de son call center appelle chaque usagé GSM non identifié pour lui demander, au nom de la loi, de décliner son identité complète. Etant donné les caractéristiques du téléphone portable, celui-ci peut se retrouver entre les main de n'importe qui(l'épouse, la petite amie, la maitresse, l'enfant, le voleur qui l'a arraché au proprio et garde la puce dedans, le collègue de bureau, l'employé). La gentille employé du call center n'aura d'autre choix que de croire sur parole ce qui lui sera dit au téléphone. L' adresse, le nom, l'âge, le sexe… Tout sera non verifiable à moins que ces entreprises ne changent de metier pour engager des enquêteur qui parcouront le pays pour contrôler les déclarations de leurs clients.Malgré leur volontarismes, ces compagnies n'ont pas les moyens de faire le travail du Ministère de l’intérieur à sa place. Dans tous les pays du monde les usagers mobilophones sont de deux catégories: les abonnés (postpaid) parfaitement identifiés pour des raisons commerciales essentiellement (recevoir leurs factures à domicile) et les usagers (prepaid) rarement identifiés car ils payent les services de la compagnie avant de les utiliser et donc il n'y a pas besoin de les facturer. La compagnie n'a pas besoin de connaitre l’identité de ses clients exactement comme la vendeuse de pain du coin, qui s'en fout éperdument du nom de son client du moment que celui-ci règle sa baguette cash.Affirmer que cela se fait dans le monde entier n'est qu'à moitié vraie. Toutefois, grâce à des méthodes simple dont dispose chaque compagnie, chaque appel téléphonique peut-être circonscrit dans une zone donné avec le scanning des antennes relais et d'autres methodes complexe mais facile à mettre en oeuvre.
Mais, il n'est pas vrai que tous les détenteurs d’un numéro de GSM dans le monde soient identifiés par la compagnie ou par qui que ce soit. Hors la mesure gouvernementale en discussion aujourd'hui souhaite arriver à cela.Au Congo près de 90% d’utilisateur des GSM sont prepaid pour des raisons évidentes de manque de crédibilité dans les deux sens. (les clients n'ont pas confiance en la compagnie à cause des sur facturations et de l'autre les compagnies préfère être payé à l'avance afin de ne pas courir après des mauvais payeur suite au système économique qui sévit au pays des travailleurs impayé et des chômeurs roulant carrosse grâce à des combines injustifiables). Et plusieurs clients mobilophones exploitent leurs téléphones portables comme des cabines téléphoniques, en monnayant son usage aux passants à cours d'unités qui souhaitent appeler. Ces petits exploitants à la sauvette devraient desormais tenir un registre des tous leurs clients afin de ne pas devoir assumer tous ce que leurs clients déclarent sur leurs lignes... C’est tout simplement ingérable pour ces pauvres gens qui font ce travail au noir afin de survivre. Même les USA qui ont déclaré une guerre sans merci contre le terrorisme s’accommodent avec le système d'abonnement prepaid anonyme. La Suisse quand à elle impose l'identification de toute personne qui achète un numéro, mais en SUISSE chaque habitant en règle possède une carte d'identité officielle qui permet à quiconque de l'identifier...On en vient donc à l'identification des usagers elle-même. Comment fait-on? Quel document officiel d'identité vont-ils présenter aux agents des compagnies de télécommunication pour prouver leur identité? Au Congo, aujourd'hui, les citoyens sont identifiés grâce à la carte d'électeur. Jusqu'à preuve du contraire à ce jour la carte d'électeur émise par la CEI démeure l'unique document d'identité officiel au Congo, en plus du passeport qui est un titre de voyage. Aucun recensement scientifique de la population générale n'a encore eu lieu, préalable au lancement d'une veritable carte d'identité. Pourtant par sa nature, ses conditions d'obtention et les informations qui y figure il est difficile d'identifier un client grâce à sa carte d'électeur. De plus ces cartes d'électeurs n'ayant été distribué qu'aux électeurs, les statistiques officiels nous informent que seul une petite 30% de la population en possède une. Au régard du taux de pénétration dans la population du téléphone portable, nous pouvons facilement imaginé que les usagers de téléphone sont plus nombreux que ça, et surtout qu'il y en a certainement une bonne partie qui ne possèdent pas cette carte. Comment identifie-t-on alors ces usagers non détenteurs d'une carte d'électeur? Si un client déclare qu’il n’a pas de carte électeur, comment les opérateurs téléphoniques peuvent-ils le vérifier? Au final, il faudra voter une loi autorisant les agents des "call center" de Tigo et compagnie à enquêter sur l'identité de toute personne qui souhaite utiliser un téléphone portable, c’est un vrai travail de police! Mais au Congo ce ne sera pas la première fois. Souvenez-vous des "journalier à 100$" de per diem que la CEI avait engagé et, qui ont donné une identité à 30% de la population congolaise aujourd'hui sur base juste des déclarations...Il faut se rendre à l'évidence, les opérateurs de télécommunications ne vont pas faire en trois mois ce que l'Etat n'arrive pas à faire depuis des années. L'identification des Congolais est le travail du gouvernement et son administration, plus précisément du Ministère de l'intérieur. Si ce dernier fait son travail d’identification de la population toute entière en mettant à jour sa liste de l'état civil, alors l’Etat peut exiger à tous les prestataires de services : télécommunication, transport, mécanicien, commerçant ambulant, santé, banque, boite de nuit, prostitué, médias, artiste, bar de tenir un listing de leurs clients. De ce qui précède nous pouvons affirmer que cette mesure n'est qu'une démonstration de plus de la propension du gouvernement Gizenga II a toujours faire faire aux autres les tâches qui lui incombe. Nous avions appelé cela SOPEKA. Il ne faut pas mettre la charrue devant les bœufs dit-on en français. Si les ministres Kalume et Munga veulent vraiment sécurisé tout le monde ils doivent commencer par le commencement: recenser les citoyens, donner à chacun un nom, une adresse, un titre de séjour en bonne et du forme ensuite seulement imposer à tous de faire rapport à l'autorité des faits et gestes de chaque individu. Mais attention nos libertés individuelles on y tient!