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17 mars 2010

En Chine, la fermeture de Google serait imminente



Google n'a sans doute jamais été aussi proche d'un départ de Chine.


Le moteur de recherche, qui avait déjà menacé début janvier de quitter le pays après avoir été la cible de cyberattaques, mène des discussions tendues avec les autorités chinoises, qui maintiennent leur volonté de censurer l'accès à Internet.


Pékin a réitéré cette volonté, mardi 16mars. "J'espère que Google respectera les lois et les régulations chinoises, a déclaré Li Yizhong, le ministre chinois de l'industrie et des technologies de l'information. Il est irresponsable et inamical de la part de Google de persister à vouloir agir contre les lois et les régulations chinoises, et il devra en supporter les conséquences."


Le porte-parole du ministère du commerce, Yao Jian, a renchéri en soulignant que la Chine a "une politique de longue date d'ouverture aux investissements étrangers", mais que "la condition préalable est qu'ils respectent les lois chinoises".


Tenu à l'autocensure, comme l'ensemble des sites basés en Chine, selon une grille de critères et de mots-clés fournie par les autorités, c'est en passant outre que Google s'expose à des représailles administratives ou à un blocage de son site.


Les négociations avec le gouvernement sont visiblement dans l'impasse, et la fermeture de son moteur de recherche en chinois par Google est "à 99,9% certaine", indiquait samedi le Financial Times.


Sur l'Internet chinois, et notamment Twitter, outil privilégié de la dissidence en ligne, les rumeurs annonçaient, lundi, une décision de Google à… minuit:


Des centaines d'internautes sont restés éveillés, mais il ne s'est finalement rien passé, raconte Isaac Mao, un spécialiste et militant de l'Internet chinois basé à Shanghaï. De nombreux utilisateurs les plus expérimentés du Net souhaitent que Google apporte une réponse claire."


Autre signe qu'un dénouement est proche, le New York Times révélait, le 15mars, que plusieurs portails chinois, comme Sina, qui répondent aux recherches des usagers via Google.cn, ont été sommés par leurs autorités de tutelle de prévoir une alternative au cas où Google cesserait de filtrer ses résultats en chinois – un peu plus de 36% des recherches en chinois sont faites en Chine via Google, le reste l'étant à travers le moteur chinois Baidu.


Le scénario qui se dessine en cas de fermeture de Google.cn – qui pourrait rester accessible hors de chine – est celui d'un retrait partiel: la société continuerait de prospecter en Chine des annonceurs pour son site global, en anglais, qui n'a pas lieu d'être bloqué.


Elle poursuivrait une partie de ses activités de recherche et de développement et se concentrerait sur ses autres produits, comme la promotion de sa plate-forme mobile Androïd auprès des opérateurs et des fabricants chinois.


"La Chine est un autre marché de taille dans lequel Androïd devrait avoir du succès", a récemment déclaré le directeur financier de Google, Patrick Pichette. Le sort de Gmail, souvent perturbé en Chine, et celui de la nouvelle fonction de microblogging Buzz, sont plus incertains.


Il ne fait guère de doute que Pékin n'a pas l'intention de céder en matière de censure : dans un éditorial cinglant, la version anglaise du Global Times conspuait, mardi, la logique de Google:


"Le plus gros moteur de recherche du monde, tout en cherchant à tirer profit de l'économie qui croît le plus vite au monde, se targue de sa hauteur de vue morale et se donne l'étoffe d'un héros qui se bat pour la liberté et la démocratie", lit-on dans ce journal.


En fait, poursuit le quotidien, la Chine est cohérente dans sa promesse d'offrir aux sociétés étrangères un "traitement national" : reste à celles-ci de respecter "les lois chinoises"…


MOBILISATION DES INTERNAUTES


Davantage que les critiques étrangères, c'est bien la mobilisation croissante des internautes chinois contre l'appareil sophistiqué de censure qui peut inquiéter le pouvoir en cas d'un départ de Google.


En janvier, certains avaient déposé des fleurs au siège pékinois du géant américain pour marquer leur souhait de le voir rester en Chine.


Sur la Toile, les discussions entre internautes sur le départ de Google étaient, mardi, un des sujets censurés par les autorités.


De son côté, Google est lui aussi tenu à une position de plus en plus inflexible sur la censure: la firme est l'une des trois sociétés américaines – avec Microsoft et Yahoo! – à siéger, depuis 2008, au conseil des directeurs du GNI, l'Initiative mondiale des réseaux qui a précisément élaboré une charte pour lutter contre la censure des gouvernements autoritaires. Google est aussi au cœur des débats sur de nouvelles législations américaines en la matière.


Un départ ne serait pas sans conséquence pour la société californienne: avec 384millions de personnes, la Chine compte la plus importante population d'internautes au monde.


Même si les évaluations manquent, ce pays va devenir le plus grand marché au monde du Web. Il n'est donc pas étonnant que son action ait cédé 2,82 %, lundi, à New York.


Sans Google.cn, le marché pourrait voir émerger un concurrent local à Baidu, qui possède près de 63 % des parts de marché en Chine et respecte scrupuleusement les règles de la censure.


Certains spécialistes spéculent notamment sur Yahoo! China, qui appartient au géant chinois du commerce électronique Alibaba, lui-même en conflit ouvert avec Baidu. Pour l'heure, Yahoo! China a moins de 1% de parts de marché.


Sans Google.cn, les géants américains du Web sont minoritaires en Chine: Amazon n'a que 8% du marché local en ligne dans son domaine; ELong, filiale chinoise du voyagiste en ligne Expedia, 10 % ; eBay a quitté la Chine; Facebook y est bloqué et MSN, de Microsoft, n'a que 4% de la messagerie instantanée contre 77 % pour QQ du chinois Tencent.


Brice Pedroletti

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