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16 avril 2010

Google quitte le chine pour s’implanter au Maroc : Règles prudentielles nécessaires


Au moment où le géant Google quitte le Chine avec grand fracas, on apprend qu'il s'installe en catimini au Maroc.


Il y a de quoi être fier du choix de notre pays par ce géant des NTICs, mais également de quoi s'inquiéter, car les NTICs restent encore insuffisamment ou non réglementés dans notre pays. Et il ya de quoi se demander à cet égard si le choix fait par ce géant de l'Internet n'est pas dicté par le fait que le Maroc constitue en quelque sorte « une zone offshore » réglementaire.


Les pouvoirs publics et les professionnels marocains des NTICs ont lancé plusieurs applications des NTICs (caméras de contrôle de vitesse, télésurveillance, biométrisation des carte d'identité, passeports, permis et cartes grises, etc) sans se soucier de règles de régulation juridiques en conformité avec l'international Pour ce qui concerne les aspects sécuritaires (écoutes téléphoniques, identification des internautes, blocage d'accès à des sites dérangeants), on compte sur la complicité des intermédiaires du Net (opérateurs de réseaux, FAI, hébergeurs, etc).

Et à chaque fois qu'il y a eu alerte extérieure (l'offshoring et la protection des données personnelles ; l'Accord Maroc- USA de Libre Echange et lutte contre le piratage via Internet d'œuvres protégées, etc), on se pressait d'adopter en urgence et sans débat des textes bâclés.

Avec le poids d'un géant comme Google, la diversité et la mondialisation de ses prestations, il est nécessaire d'édicter au préalable des règles juridiques transparentes pour éviter des surprises.


Nous nous sommes posés les questions de régulation des activités de Google au Maroc Il y a maintenant plus de 2 ans lorsque les recherches des internautes marocains sur Google commençaient à être redirigés vers le site www.goole.co.ma .

Avec l'extension (.co) associée à cette adresse Internet, on avait pensé un moment que le géant américain Google avait crée une compagnie au Maroc pour laquelle il aurait enregistré le chemin d'accès Internet www.goole.co.ma.

Pour avoir une idée du cadre réglementaire qui va régir les prestations de cette compagnie, nous avons essayé d'avoir quelques informations sur elle. Nos recherches sur le registre de commerce de l'OMPIC ne nous ont pas permis malheureusement de trouver de trace d'une quelconque société du nom Google Maroc.


Pour le nom de domaine Google.co.ma, la consultation du serveur whois de Maroc Telecom nous a apprend que ce nom de domaine a été enregistré (squatté en fait) par un propriétaire inconnu depuis 2001 pour n'être activé qu'en 2007.

Contrairement aux normes de nommage établies à l'international et aux prescriptions de la charte marocaine de nommage du domaine (.ma), on ne trouve sur le serveur de Maroc Telecom aucune information sur le titulaire de ce nom de domaine (ni ses contacts administratifs, ni ses contacts techniques).

Maroc Telecom, à la fois en tant que Gestionnaire Technique et de Prestataire d'enregistrement des noms de domaine (par le biais de sa filiale Menara) devait être rappelée à l'ordre par l'ANRT pour cet oubli.


Il a fallu attendre mars 2010 pour apprendre que le géant américain Google serait en train de monter une structure à Casablanca. Il aurait déjà même recruté une dizaine de cadres (le leitmotiv de la création d'emplois ne doit pas continuer à nous empêcher de travailler dans les normes).

Fiers de cet exploit, les responsables en charge des NTICs, affirment que Google aurait préféré Casablanca aux dépens du Caire qui devait initialement accueillir cette plate-forme de développement nord-africaine. On ne peut que se féliciter du choix de notre pays par Google.

Mais attention aux revers d'une telle opportunité, certes bénéfique, mais à risques si elle devait être lancée sans règles juridiques prudentielles transparentes préalables. On ne veut pas, une fois de plus, voir les pouvoirs publics s'entendre en secret avec Google sur les modalités de contrôle du Net et des internautes pour être contraint au premier mal entendu d'interdire Google.ma. Les pouvoirs publics l'ont fait déjà avec la chaine Al Jazzera, avec Eart de Google lui-même, ce qui n'a pas manqué pas de ternir l'image du Maroc comme pays des libertés.


Quel cadre réglementaire va régir les activités de Google au Maroc?

Google offre une multitude de prestations allant de la messagerie (à travers Gmail), à l'hébergement du contenu (écrit et images, vidéo, livres), au référencement dans son puissant moteur de recherche, en passant par la traduction, la géo-localisation à travers Google map, Google earth et Google street, et autres prestations.

Aucune de ces activités n'est réglementée au Maroc. On ne doit pas continuer à compter sur la complicité des opérateurs du Net et la résignation des internautes pour continuer à mettre le réseau du Net sur table d'écoute.

Les obligations des intermédiaires Internet (éditeurs de pages Web, fournisseurs d'accès Internet, hébergeurs de sites web en domaine propre ou en partage) sont réglementées partout ailleurs. Leurs activités sont encadrées minutieusement, notamment en matière:

- de contrôle du contenu des pages web, avec un régime de responsabilité plus ou moins lourd selon que le prestataire est un simple hébergeur neutre ou acteur dans la mise en forme des pages ;
- d'obligation de collecte des données de trafic et des données personnelles des internautes, et leur mise à disposition aux autorités judiciaires en cas de besoins d'enquêtes (judiciaires ? administratives ?);

- de protection des données personnelles (à noter que les Etats Unis n'ont pas de réglementation de protection des données personnelles. Juridiquement, et en vertu de la dernières loi adoptée au Maroc, il est en principe interdit de transférer les données vers ce pays qui n'offre pas une protection suffisante)

- de protection des droits d'auteurs sur des ouvres numérisées offertes sur e-book

Dans ce cadre juridique vide et devant le manque de compétence des juges marocains dans ce genre contentieux, Il est à craindre que le puissant Google ne nous oppose, à l'instar de la Chine, le leitmotiv de la liberté d'expression pour se permettre tous les débordements dans un paradis réglementaire.

La justice française, dans l'application Google de E-book, a affirmé que c'est la loi française qui s'applique et non celle des Etats Unis où la numérisation des livres a été faite. Dans la protection des données personnelles, l'Union Européenne a imposé aux entreprises américaines délocalisées en Europe le respect des règles européennes en la matière (Safe Harbourg).

Dans l'application e-street, la justice française a condamné Google à respecter la vie privée des personnes par le flootage des visages des passants. Dans le filtrage du contenu illicite, l'hébergeur américain a été contraint par la justice européenne à bloquer l'accès aux pages litigieuses (non à tout le site) à partir de l'Europe aux internautes européens.

A plusieurs reprises, Google a été condamné par la justice comme complice pour n'avoir pas modérer le contenu d'un site client ou de n'avoir pas recueilli les coordonnées de l'éditeur.

Pour un Accord Juridique transparent entre Google Maroc et les autorités marocaines

En Chine, et dans un vide juridique, Google (et autres géants américains du Net) avait bien conclu avec les autorités chinoises un accord secret pour filtrer ou bloquer l'accès aux chinois à des sites à contenu « gênants » et de communiquer les données des internautes dissidents. Google ne s'est plaint que lorsque ses outils étaient craqués par de puissants hackers chinois.

Pour éviter la mauvaise expérience de Google en Chine, et pour assurer que ses activités au Maroc se dérouleront dans un cadre respectueux à la fois des intérêts commerciaux de l'opérateur, de l'ordre et la sécurité publique de notre pays, de la propriété intellectuelle, de la vie privée et du droit à l'expression des opinions, nous proposons de définir un cadre juridique (sreet map) qui régulerait chacune des activités de Google ; en somme des règles de conduite « nettes » aussi bien pour la future société Google.ma que pour les autorités marocaines et les « nettoyens » marocains.

Les internautes chinois n'en réclamaient pas plus. Ils ont adressé à Google et aux autorités de leurs pays un mémorandum où ils affirment : « Oui à la censure de l'Internet comme "gouvernance" raisonnable et conforme aux lois chinoises (...). Mais non à une "pré-censure", ni à "une censure vague".

Nous voulons, disent-ils, des "procédures transparentes", avec des "mécanismes et des étapes claires et distinctes", "en conformité avec la Constitution", et une possibilité de "coopération avec une entité tierce qui représente les citoyens." C'est notre souhait pour l'établissement de Google au Maroc.


Abderrazak MAZINI
Directeur Associé des Cabinets JURISnet
Juriste Expert en droit des NTICs
Arbitre auprès de l'OMPI pour les Conflits de nommage

www.emarrakech.info