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18 octobre 2006


Privatisations : Le rôle mineur des agences de régulation
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Certaines sont dépendantes des entreprises à contrôler, d'autres secteurs n'en connaissent pas.

La plupart des entreprises privatisées, qui font problème aujourd'hui au Cameroun, ont été préalablement diagnostiquées. Au cours d'un débat récemment organisé au Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), le responsable du cabinet Prescriptor, M. Babissakana, a axé son propos sur l'efficacité des structures de régulation dans chaque secteur d'activité. Pour la plupart des cas, il s'est agi, dans le cadre de ce processus de privatisations décidé par l'Etat sur recommandation de la Banque mondiale, d'un simple "transfert de monopole public au privé". Il faut donc, soutient M. Babissakana, une "réforme des régulateurs sectoriels, une réforme de la Commission nationale de la concurrence" et, de toute urgence "des régulateurs dans le secteur de l'eau, et des chemins de fer". Parce que "la régulation [y] est totalement défaillante". Pour essayer de corriger les défaillances de l'Etat, le président de la Commission technique des privatisations et de liquidation, Aminou Bassoro, annonce la création, en collaboration avec le ministère de l'Economie et des Finances, d'un "cadre juridique contraignant pour le suivi des entreprises privatisées".
Pour arriver à cette situation, le processus des privatisations a été suffisamment étudié, et de nombreux décalages relevés entre la norme et le comportement des repreneurs. "En 1994, lorsque la Cameroon Airlines (Camair) et la Régie nationale des chemins de fer du Cameroun (Rncfc) sont inscrites sur la liste des entreprises à privatiser, le cadre juridique n'a pas encore été mis en place", constate-t-il. En attendant l'aboutissement du processus de privatisation de la compagnie nationale aérienne, la Rncfc est devenue Camrail depuis juillet 1999. Malheureusement, le repreneur des chemins de fer, qui est dans la même situation de monopole que l'était la Régie, fonctionne aujourd'hui sans régulateur. La conséquence est que le repreneur ne fait que ce qui lui plait. "On ne peut rien attendre de ces gens. Ils ne sont là que pour s'enrichir", martèle M. Babissakana.
La même erreur commise par l'Etat avec les chemins de fer est malheureusement en train de se reproduire avec le secteur de l'eau. L'Etat doit donc corriger ses défaillances, selon une thèse répandue dans les milieux d'affaires. Tout comme le secteur de l'électricité, où les activités du régulateur, à savoir l'Agence de régulation du secteur de l'électricité (Arsel), sont dépendantes des moyens mis à sa disposition par l'entreprise régulée, Aes-Sonel. Conséquence, "l'Etat a plus liquidé que privatisé", soutient M. Babissakana. Ce dernier est rejoint dans cette position par un acteur majeur des privatisations au Cameroun. L'ancien directeur général de Camtel Mobile (dont la licence d'exploitation a été vendue au groupe Mtn), Patience Eboumbou, a révélé les dernières tractations en vue de la cession de Mtn Mobile.
Défaillances
"A l'époque, on m'avait convaincu de ce que cette licence ne pouvait pas être vendue à plus de 15 milliards de francs Cfa, parce que le groupe Orange venait d'acquérir une licence à 10 milliards de francs Cfa. Or, je soutenais qu'il fallait au moins 100 milliards de francs Cfa, parce que le retour à l'investissement est très rapide dans le secteur des télécommunications. L'offre a été améliorée et on a finalement vendu Camtel Mobile à 40 milliards de francs Cfa", affirme Patience Eboumbou.
Dans un mémoire soutenu par Mme Lele à l'Ecole nationale d'administration (Ena) de France, il est d'ailleurs indiqué "les efforts déployés par l'Etat du Cameroun, pour réguler d'importants secteurs dont il a dû se désengager, du fait du libéralisme dominant et des contraintes de la mondialisation". Et, pour atteindre cet objectif, le mémoire décrit les secteurs d'activités concernés par la régulation. "Il analyse et évalue, ensuite, l'action des agences de régulation dont il souligne les succès et rend compte des limites". Le travail s'intéresse, enfin, aux voies de futur de l'activité de régulation étatique au Cameroun.
Au terme de cet itinéraire, le mémoire parvient à la conclusion que "le bilan des agences de régulation au Cameroun est mitigé, du fait de leur relative subordination par rapport à l'Etat, des privilèges octroyés à quelques opérateurs et du déficit d'information dont souffrent les usagers, par rapport à l'activité de ces agences". Le mémoire conclut, par ailleurs, qu'une amélioration de l'action des agences de régulation au Cameroun passe par "le renforcement du cadre juridique de la régulation, l'implication décisive de l'Etat dans le financement des infrastructures, autant que par des réformes dont le travail dévoile les grands traits".
Faute d'un suivi ou d'un régulateur efficace, certaines entreprises privatisées n'ont pas respecté certaines clauses du cahier de charges. Le directeur général de Gmg Hévécam, Jean Marc Seyman, reconnaît par exemple que les 25 % des parts réservées aux privés camerounais après le processus de privatisation n'ont toujours pas été cédées. En plus de ces violations observées dans les procédures des privatisations, ces dernières n'ont pas non plus contribué à une meilleure compétitivité de l'économie.
"Il faut au moins 300 000 entreprises pour que ça commence à bouger. Or, actuellement le Cameroun tourne autour de 100.000 entreprises plus ou moins organisées. Un chiffre qui ne peut pas efficacement contribuer à une meilleure compétitivité de l'économie", reconnaît le patron du cabinet Prescriptor. "La productivité s'est même dégradée pendant la période des privatisations. L'obsolescence des équipements s'est accrue de 37 % ", poursuit-il. Alors que l'un des objectifs des privatisations était, d'après le président de la Commission technique des privatisations et de liquidation, "d'assainir les finances publiques". Parce que, affirme Aminou Bassoro, "un diagnostic effectué en 1988 a permis de constater que l'Etat accordait 150 milliards de francs Cfa par an de subventions aux entreprises".