SUISSE : De lourdes amendes pour imposer la concurrence
La Commission de la concurrence (Comco) a multiplié les sanctions financières à l’égard d’entreprises suisses l’an dernier. Son président Walter Stoffel réfute pourtant le reproche d’avoir la main trop lourde.
La Commission de la concurrence, chargée notamment de la mise en application en Suisse de la loi sur les cartels votée en 2004, a prononcé des sanctions exemplaires ces dernières années.
Après s’être vu infliger une amende de 330 millions de francs pour comportement illicite dans la téléphonie mobile, Swisscom risque de devoir payer 237 millions de francs pour abus de position dominante dans l’Internet à haut débit.
L’entreprise suisse Schindler a quant a elle été condamnée à s’acquitter, au niveau européen, d’une amende de 144 millions d’euros. Walter Stoffel, le président de la Comco, réfute les critiques et estime que ces sanctions sont totalement proportionnées.
swissinfo : Les gendarmes de la concurrence ont-ils la main trop lourde ?
Walter Stoffel : Non. Les sanctions sont toujours en proportion avec le marché concerné. Le marché de la téléphonie mobile génère des chiffres d’affaires très élevés. Une somme de 330 millions de francs – pour prendre ce cas – est appropriée, aussi par rapport aux bénéfices réalisés.
swissinfo : Mais les premières plaintes des fournisseurs d’accès à Internet datent de 2002. N’est-ce pas trop de temps perdu ?
W.S. : Il est vrai que nos procédures sont souvent longues, parfois trop longues. Nous sommes en train d’améliorer et de rendre plus efficaces nos procédures internes. Mais certaines contraintes relèvent de la loi et nous échappent.
swissinfo : Pendant ce temps, le consommateur paie des prix surfaits...
W.s. : Non, car nous avions pris, dès le début, des mesures provisionnelles qui ont eu un effet immédiat. Cela a permis d’arrêter l’hémorragie.
swissinfo : Il y a l’autre cas, l’amende de 330 millions infligée à Swisscom dans le secteur de la téléphonie mobile. Pourquoi cette procédure dure si longtemps ? Et où en est-on maintenant ?
W.S. : Notre décision du 5 février 2007 est pendante devant le Tribunal administratif fédéral. Le cas illustre bien les lenteurs de pareilles procédures. Nous avions demandé des renseignements auprès des différents prestataires de services. Certaines parties ont refusé de répondre et ont fait recours. Par trois jugements rendus simultanément, le Tribunal administratif fédéral a rejeté les arguments des recourants. Il a précisé que répondre à un questionnaire ne constitue pas un préjudice irréparable. Mais cette « procédure dans la procédure » a duré un an à elle seule.
swissinfo : N’y aurait-il pas une solution plus rapide et plus efficace concernant ces prix des télécommunications ?
W.S. : Dans de tels cas, oui. Il faudrait que les prix d’interconnexion et les prix d’accès puissent être arrêtés d’office par la ComCom (ndlr : Commission fédérale de la communication, autorité indépendante de régulation du marché des télécommunications) dès le début, et pas seulement si un fournisseur n’a pas trouvé d’entente avec l’entreprise dominante.
La Comco, Monsieur Prix et la ComCom, en août 2008, ont demandé une révision de la loi sur les télécommunications. Une motion parlementaire, acceptée par le Conseil fédéral, reprend cette recommandation. Dans d’autres cas, une révision de la loi sur les cartels serait nécessaire.
swissinfo : Que pensez-vous des réserves d’economiesuisse concernant la révision de la loi sur les cartels ?
W.S. : Je suis déçu par cette prise de position assez hésitante, puisqu’elle semble s’intéresser surtout à l’entreprise impliquée dans une procédure. C’est important, mais si le droit de la concurrence est bafoué, de nombreuses autres entreprises ne peuvent exercer leur activité normale. Elles sont les victimes, et elles font partie de la très grande majorité des entreprises respectant les règles du jeu.
Notre mission essentielle est de faire en sorte que la concurrence joue, dans l’intérêt de toutes les entreprises.
swissinfo : On reproche enfin à la Comco de compter trop de juristes et pas assez d’économistes. Que répondez-vous à cette critique ?
W.S. : Nous avions demandé que la présidence de la Comco compte aussi un économiste. Le Conseil fédéral ne l’a pas voulu. Ceci dit, nous avons des économistes au sein de la commission et de notre secrétariat.
Mais je rappelle qu’au bout du compte, nous devons obtenir gain de cause devant des instances de droit et finalement devant le Tribunal fédéral. Juridiquement, nos décisions doivent tenir la route. Nous avons donc besoin de juristes de qualité. De toute façon, à la Comco, il y a un équilibre et chacun, qu’il soit économiste ou juriste, fait cause commune.
Source : swissinfo.ch
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