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03 février 2011

Union sacrée des opérateurs mobiles dans le paiement sur Internet


Orange, SFR, Bouygues Telecom et Atos Origin créent une société commune pour proposer une plate-forme unique de paiement en ligne, sécurisée par le mobile. Ils veulent contrer Paypal, Google et Apple en France.



C'est une grande première pour les opérateurs français. Orange, SFR et Bouygues Telecom, si jaloux de leur indépendance en temps normal, s'allient dans une société commune dédiée au paiement en ligne. Chacun d'entre eux détiendra un quart du capital de Buyster (2,8 millions d'euros à sa création), et le quart restant sera aux mains d'Atos Origin, le prestataire de services informatiques.


C'est un consultant spécialiste du marketing et des télécoms, ancien du cabinet Vertone, qui en prend la direction générale. Le patron, Eric Gontier, n'a pas encore de carte de visite et il n'y a toujours pas de nom sur l'interphone, dans l'immeuble du Xe arrondissement où travaille sa quinzaine de collaborateurs. Mais il a de grandes ambitions : « Nous voulons devenir le leader du paiement à distance via le mobile, et le numéro deux dans l'Internet fixe, en France », explique-t-il aux « Echos ».


Le e-commerce a crû de 24 % l'année dernière en France, et pèse 31 milliards d'euros. Dans cinq ans, il dépassera probablement 60 milliards d'euros, dont 10 % seront réalisés via le mobile.


« Gràce à cette solution ergonomique et sécurisée, nous allons aider les marchands, transformer les internautes qui visitent leur site en consommateurs payants », ajoute-t-il. D'où un « niveau de prix premium » -mais tout de même « compétitif », selon les termes d'Eric Gontier.


Ce dernier ne précise pas quel montant exact sera prélevé par la société commune sur chaque transaction, mais on peut imaginer qu'il sera compris quelque part entre les commissions élevées perçues par Paypal (1,4 % à 3,4 % plus 25 cents) et celles, assez basses, que prélève le GIE Carte Bancaire (moins de 1 %). Le marché du e-commerce est en pleine explosion en France avec un chiffre d'affaires de 31 milliards d'euros l'année dernière.


Buyster devrait être opérationnel avant l'été. Les opérateurs s'étaient jusqu'à présent concentrés sur des solutions de micro paiement, via les SMS+ surtaxés ou bien depuis six ans le paiement sur facture (Internet Plus, Gallery, MPME).


La facture moyenne du paiement sur facture est de 5 euros, et les montants échangés de cette façon ont atteint 500 millions d'euros en 2010 en France. Mais les opérateurs ne cherchent pas à le généraliser pour les gros montants, car ils craignent le « bill shock », c'est-à-dire des factures démesurées en fin de mois, qui dissuaderaient les clients de téléphoner...


Pas de risque en cas de vol du mobile

Récemment, Orange, SFR et Bouygues Telecom se sont également alliés pour réaliser à Nice une expérience pilote dans le paiement de proximité. C'est un gros projet car cela nécessite d'équiper les commerçants de terminaux d'encaissement sans contact, et de mettre dans la poche des consommateurs des téléphones mobiles NFC. Il est mené de front avec les banques.


Et les opérateurs sont payés au forfait. « Nous sommes juste des prestataires rémunérés pour héberger la solution de paiement NFC. Mais nous en sommes satisfaits, car notre objectif n'est pas de prendre des commissions, plutôt de favoriser le développement des usages sans contact », explique Thierry Launois, directeur des paiements et des nouveaux marchés chez SFR.


Buyster n'est pas fait pour de tous petits achats, ou bien des transactions de proximité, mais vient compléter l'éventail des moyens de paiements proposés par les opérateurs -ils cherchent d'ailleurs à obtenir ensemble l'agrément d' « établissement de paiement » auprès de la Banque de France.


Cette solution permettra d'acheter un frigo sur Internet et de voir son compte bancaire débité directement. Les e-commerçants partenaires, qui sont quatre pour l'instant (Aquarelle, Darty, Brandalley, Rueducommerce), afficheront Buyster à côté du paiement par carte bancaire. L'internaute devra taper son numéro de mobile, son code confidentiel, et recevra un SMS avec un code secret à usage unique pour valider la transaction en ligne.


Sur un cellulaire, passer à l'achat est particulièrement simple, puisque l'opérateur a déjà identifié le numéro de l’abonné : nul besoin de le saisir. Mais le terminal dédié à l'achat peut aussi bien être un mobile qu'un ordinateur, une télévision connectée ou une tablette.


Il faut de toute façon avoir son téléphone à portée de main pour régler. « Si quelqu'un vous vole votre mobile, il ne pourra pas procéder à des achats car il ne connaît pas votre code confidentiel.


Buyster va apporter de la sécurité, sans détériorer l'expérience client », fait remarquer Eric Gontier. Qu'il est irritant, en effet, de devoir saisir des codes secrets à rallonge avec les procédures sécurisées mises au point par les banques pour réaliser un achat en ligne...


83 % des achats en ligne par carte bancaire

Néanmoins, la tâche sera ardue. Pour se classer numéro un dans le mobile, il va falloir faire mieux que la carte bancaire, qui sert aujourd'hui à régler 83 % des achats en ligne. Pas une mince affaire.


Il faudra également rattraper le retard pris par rapport à Paypal, un moyen de paiement en ligne désormais bien connu des internautes, facile à utiliser (deux clics suffisent), qui connaît une très forte croissance et qui est surtout international. Cela n'est pas le cas de Buyster, qui ne permet pas pour l'instant de faire des achats via eBay ou Amazon.


Il faudra encore que les internautes français résistent au pouvoir d'attraction de géants comme Google, dont la solution de paiement Checkout finira par arriver en France, ou Apple, qui dispose déjà des coordonnées bancaires de ses clients avec iTunes. Sans parler des projets qui fourmillent en ce moment, start-ups ou bien industriels soucieux de se diversifier.


« Le vrai défi va être de recruter tout à la fois un grand nombre de e-commerçants et de porteurs », estime quant à lui Thierry Launois. Avec 55 millions de clients mobiles (les opérateurs mobiles virtuels pourront également utiliser la plate-forme), Buyster ne part pas de zéro pour ce qui est de convaincre les Français.


La société commune est dotée d'un budget marketing propre, dont le montant n'est pas communiqué. De même, la présence d'Atos au capital va faciliter les démarches auprès des sites marchands, puisqu'avec sa solution SIPS, la société a déjà 30.000 partenaires dans l'Hexagone. Mais il faut renégocier ces contrats pour ajouter Buyster, avec chaque marchand, un par un.


De même, la jeune société peut tirer parti de son partenaire BNP Paribas, qui dispose également d'une plate-forme de moyens de paiement au service des e-commerçants. Mais là encore, il faut signer des contrats avec chacun.

SOLVEIG GODELUCK


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