Les enjeux de la bataille du « dividende numérique »
L’Arcep a publié mercredi les résultats de sa consultation publique sur le dividende numérique. Chaînes de télévision, opérateurs et équipementiers télécoms, collectivités locales, industriels… plus de cinquante acteurs ont apporté leur témoignage. Tour d’horizon en cinq questions. Qu’est-ce que le « dividende numérique » ?Fin 2001 : les chaînes de télévision cesseront de diffuser leurs programmes en analogique. A cette date, tous les Français devront basculer sur la télévision numérique terrestre (TNT) pour regarder la télé. Or, la diffusion d’une chaîne en numérique nécessite environ six fois moins de ressources en fréquence qu’une chaîne en analogique. Malgré l’augmentation du nombre de chaînes diffusée par les ondes hertzienne depuis l’arrivée de la TNT, il restera de la place pour de nouveaux services. C’est le « dividende numérique ». Toute la question est donc de savoir ce que la France va faire de ces fréquences, car il n’y aura pas de place pour tout le monde. Les opérateurs mobiles aimeraient bien s’en servir pour se lancer dans le très haut débit sans fil, les FAI pour le WiMAX, tandis que les chaînes de télévision veulent faire de la haute définition et de la télé hertzienne sur mobile. Pourquoi ces fréquences valent-elles de l’or ?Pour deux raisons. D’abord, le spectre de fréquences est une ressource rare et limitée. Ensuite, et surtout, les chaînes de télévision vont libérer des fréquences extrêmement convoitées, situées dans la bande UHF, sous les 1GHz. « Ces fréquences disposent en effet de meilleures qualités physiques de propagation radioélectrique, permettant des portées plus importantes et une meilleure pénétration à l’intérieur des bâtiments », explique l’Arcep, autrement dit de mieux couvrir le territoire avec un nombre restreint d’émetteurs. Si les opérateurs télécoms et les chaînes de télévision se disputent aujourd’hui ces fréquences basses, c’est que leur répartition est particulièrement inégale : l’armée en préempte le tiers, la télévision presque la moitié et les télécoms seulement 15%. Cette allocation « ne reflète pas le développement actuel des services de communications électroniques », regrette l’Arcep. Dès lors, le « dividende numérique constitue une occasion unique » d’opérer un rééquilibrage. A quoi les fréquences serviront-elles pour les opérateurs télécoms ?Le « dividende numérique » est un rêve pour les opérateurs télécom qui craignent une saturation de leur réseau. Pour densifier la couverture du GSM puis lancer la 3G, ils ont dû associer leurs premières fréquences dans la bande des 900 MHz à des fréquences hautes, 1800 MHz, 2100 MHz et bientôt 2600 MHz. Or, ces fréquences nécessitent l’implantation d’un plus grand nombre d’émetteurs, une opération coûteuse, mal acceptée par les Français qui voient fleurir les antennes près de chez eux, et qui serait uniquement viable dans les zones à forte densité. C’est pourquoi ils n’imaginent pas un déploiement des futurs réseaux très haut débit mobile, les successeurs de la 3G gourmands en ressources, sans disposer de ces « fréquences en or » supplémentaires. Dans le cas contraire, ils ne couvriront que 30% du territoire et 70% de la population, au risque de créer une nouvelle fracture numérique. France Télécom estime par exemple que la couverture de son réseau 3G au-delà des 70% de la population lui coûtera quatre fois plus cher sans les fréquences basses. Quelle est la position des chaînes de télévision ?TF1, France Télévisions, Canal+ et M6 estiment que l’on ne peut pas encore évaluer les ressources libérées par l’abandon de l’analogique. En fait, les groupes audiovisuels ne sont pas prêts à abandonner leurs fréquences. Ils souhaitent au contraire diffuser le maximum de chaînes en haute définition, qui occupent plus de place, et multiplier les projets de télévision mobile personnelle, ces chaînes qui arriveront sur les téléphones par les ondes hertziennes et occuperont donc des fréquences vacantes. Forcément, les opérateurs télécom ont une autre vision des choses. Pour Orange, SFR, Iliad ou Neuf Cegetel, à une époque où l’Internet casse la linéarité de l’audiovisuel, les chaînes peuvent très bien diffuser leurs programmes par d’autres canaux, comme le satellite, le câble ou la fibre optique. Quant à la télévision sur téléphone portable, elle pourra toujours passer par leurs réseaux mobile, à même de proposer l’interactivité que demanderaient les abonnés (impossible par exemple d’ajouter une vidéo sur Dailymotion par ondes hertziennes, puisque les données ne peuvent pas remonter). Qui décidera et quel est le calendrier ?C’est un des principaux enjeux. Pour l’Arcep, les opérateurs et les équipementiers télécom, il faut décider au plus vite, afin d’avoir le temps d’investir dans les émetteurs et dans les terminaux compatibles avec les nouvelles fréquences. Si une décision est prise en 2007 ou 2008, un lancement du très haut débit mobile pourrait intervenir d’ici cinq ans, estiment Orange et SFR. Plus prudent, Bouygues Telecom table sur 2015. A cette date, « une large partie des usages de l’Internet » sera accessible sur mobile, complète France Télécom, qui estime que ce chantier peut générer un demi point de croissance. Pour les groupes audiovisuels, en revanche, il faut attendre d’y voir plus clair. Selon la loi du 5 mars 2007 sur la télévision du futur, la décision reviendra au Premier ministre, « responsable de la réaffectation de ces fréquences, après consultation de la Commission du dividende numérique, composée de quatre députés et de quatre sénateurs ». La loi précise également qu’une « majorité des fréquences libérées restera affectée aux services audiovisuels », ce qui laisse toutefois ouvert un très grand nombre de répartitions possibles. Les demandes des opérateurs citées par l’Arcep oscillent ainsi entre une sous-bande de fréquences de 80 à 120 MHz, proche de la bande des 900 MHz qu’ils occupent déjà.
Source: LExpansion.com
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