Les fiancés d'hier ont déterré la hache de guerre. Une plainte a été déposée à l'ANRT pour arrêter la campagne de publicité de Wana sur l'offre mobile
La lune de miel entre les trois opérateurs télécoms a duré l'espace d'une conférence de presse à l'occasion de la création de l'association commune, MATI. Et attention, même en temps de paix médiatique, le feu était nourri entre les trois concurrents de la téléphonie. En juin dernier, Maroc Telecom et Méditel ont, en effet, déposé une plainte contre Wana auprès de l'Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT). Les deux premiers tirent à boulets rouges sur la campagne de communication lancée par Wana pour son offre de téléphonie mobile. Que dit cette campagne ?
En fait, deux de ses éléments font mal à la concurrence. Wana a ciblé son opération sur ce que la filiale de l'ONA considère comme les défauts du business de l'opérateur historique et de son rival contrôlé par Telefonica et Portugal Telecom. La campagne met ainsi en évidence les conditions d'utilisation des formules des deux opérateurs. Ce qui explique que les concepteurs des spots publicitaires ont mis le doigt sur les astérisques et les renvois parfois illisibles et limitatifs de l'usage téléphonique. L'autre élément, complémentaire du premier, s'attaque aux prix pratiqués par les opérateurs. Wana semble dire au consommateur, «Méfiez-vous des prix des autres. Moi je vous promets 3DH/minute sans astérisques». Cela fait mal puisque, contrairement au fixe où Méditel est quasiment en hibernation et où Maroc Telecom stagne (selon les statistiques de l'ANRT), Wana s'attaque au business le plus juteux des deux opérateurs, le mobile. Et elle le fait avec une offre qui, si elle est maintenue, obligera les deux opérateurs à s'aligner, les forçant ainsi à perdre des marges assez confortables. Ce qui explique que jusqu'à maintenant, aucune riposte commerciale n'ait été enregistrée auprès des deux opérateurs, sauf celle des douze heures de Méditel, toujours avec des astérisques. Dès réception de la plainte, l'ANRT a adressé le dossier à la HACA (Haute autorité de la communication audiovisuelle), mais en y joignant son verdict : Maroc Telecom et Méditel sont lésés par cette publicité. Sauf que l'agence n'a pas autorité d'ordonner l'arrêt de la campagne et que seule la Haca peut le faire. Toutefois, au lieu de donner suite à «l'avis» de l'agence, la Haca s'attèle actuellement à l'étude des spots incriminés. Une question se pose à ce niveau.
Pourquoi l'ANRT s'est-elle déclarée incompétente en évitant d'émettre son avis lors de la fameuse campagne«Tapis Rouge» de Méditel, attaqué à l'époque par Maroc Telecom ? En effet, en 2005, Maroc Telecom avait estimé que les publicités de Méditel portaient atteinte à son image. L'ANRT avait pris ses distances par rapport à ce dossier et c'est la Haca qui avait tranché en faveur de l'opérateur historique. En 2008, c'est tout le contraire qui se produit. Ce qui fait dire à des sources proches de la Haca que l'agence a dépassé ses limites sur ce dossier.«Seule la Haca est compétente sur ce genre de plainte et peut astreindre les médias à arrêter une campagne de publicité», nous explique-t-on sur un ton tranchant. Pour l'heure, les sages de l'audiovisuel passent les publicités au scanner. Dans peu de temps, ils rendront leur verdict. Quel que sera ce dernier, il restera toujours un vide abyssal dans le jeu concurrentiel : le droit du consommateur d'attaquer les opérateurs pour publicité mensongère. Et sur ce point, il y a à boire... et à déboire. Ahmed Réda Chami, rninistre de tutelle, le sait et a promis un texte dans ce sens. D'ici là, faisons confiance aux compétences de l'ANRT et de la Haca, même si parfois l'une semble empiéter sur les platebandes de l'autre.
Khalid Tritki
Source: Le Soir Echos
Source: Le Soir Echos
Belgique : quand le ministre des télécommunications soutient la vente liée
Le ministre des télécommunications, M. Van Quickenborne (VLD), n’a pas manqué l’occasion de faire parler de lui, à quelques jours de la sortie en Europe de l’« iPhone ».
En Belgique, le prix sera plus élevé que dans d’autres pays. L’explication du ministre ? « Le consommateur est victime d’une législation qui ne permet pas assez de concurrence. Voyez l’iPhone aux Pays-Bas : il coûtera tout juste un euro car il sera lié à une formule d’abonnement de vingt-quatre mois. » Et de préconiser l’abolition de la loi belge interdisant la vente liée : « Dès la rentrée de septembre, je vais proposer au gouvernement de revoir la législation actuelle sur les pratiques commerciales. Nous ne pouvons continuer à vivre sous la coupe d’une loi protectionniste et corporatiste. »
Faut-il le préciser, cette position est un parfait contre-sens : l’interdiction de la vente liée est une mesure favorable au consommateur, incitant à la transparence des prix, et favorisant la concurrence sur tous les segments du marché 1. L’explication du prix de l’iPhone en Belgique est pourtant limpide : étant semble-t-il la seule société à vendre l’iPhone non simlocké (c’est-à-dire utilisable sur tous les réseaux sans manipulation complexe et virtuellement interdite), la société Mobistar - qui dispose de l’exclusivité sur la vente de l’engin en Belgique - vise tout simplement une clientèle internationale désireuse d’acheter un iPhone tout en conservant un opérateur qui ne dispose pas d’accord privilégié avec Apple. Une clientèle pour laquelle le prix prohibitif de l’engin n’est sans doute pas un frein à l’achat.
1 Cela se vérifie d’ailleurs dans les faits, comme le calcule Trends Tendances : "Petit exercice avec l’offre d’Orange (maison mère de Mobistar) en France. Celle-ci propose le smartphone d’Apple à 149 euros pour la version 8 Gb. L’abonnement obligatoire coûte au minimum 49 euros pour deux ans. Cela donne un total minimal de 1.325 euros. Le même calcul donne 1.245 euros chez Mobistar, soit 525 euros pour l’iPhone 3G et 720 euros (30 euros x 24 mois) d’abonnement."
Pourquoi Internet est-il si cher en Afrique ?
par Anne-Laure Marie Article publié le 10/07/2008
Dans la facture des internautes africains, on l’a vu (1), la part du prix d’accès aux liaisons internationales pèse lourd. Pourtant, la mise en service du câble sous-marin Sat3 le long des côtes occidentales du continent en 2002 aurait dû faire baisser les tarifs par rapport au coût des liaisons satellitaires. Source de profit conséquente pour les opérateurs, le câble n'a hélas pas tenu ses promesses auprès des utilisateurs...
Il devait inaugurer une nouvelle ère de l’Internet en Afrique.15 300 kilomètres de fibre optique avec onze points d’atterrissage sur la côte occidentale africaine, 28 000 kilomètres en tout en comptant la partie reliant l’extrémité du continent à la Malaisie, 650 millions de dollars investis par 36 opérateurs d’Afrique et d’ailleurs : « Nous comblons le fossé numérique avec les autres continents », déclarait fièrement le président sénégalais Abdoulaye Wade lors de l’inauguration du câble sous-marin Sat3 à Dakar en 2002.
Six ans plus tard, le fossé numérique s’est accru et le câble, capable de transmettre simultanément près de 6 millions d’appels téléphoniques et 2 300 canaux de télévision ne serait exploité qu’à 5% de ses capacités selon l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques ! Pourtant les pays reliés au câble ont beaucoup gagné en bande passante, ce qui augmente la capacité d’envoi et de réception de données et fait encore cruellement défaut en Afrique. Et aujourd’hui, Cotonou, Abidjan, Dakar ou Libreville proposent à leurs habitants des connexions ADSL (haut débit) illimitées. Membre de l’Atelier des Médias, François Laureys nous invite pourtant à aller voir de plus près les impacts du câble dans quatre pays d'Afrique selon une étude récente de l'Assocation pour le Progrès des Communications . On y lit en effet que les prix d’abonnement à Internet n’ont pas subi la baisse annoncée par les opérateurs. Certes, le prix horaire de connexion dans un cybercafé a été divisé par 5 en moyenne dans les pays raccordés, passant de 1 500 à 300 CFA, comme l’écrit Fatou Faye du Réseau International des Correspondants Francophones.
Mais l’abonnement haut débit, de meilleure qualité, est aussi plus cher qu’en 2002. Toujours selon cette étude d'APC, qui s'attarde notamment sur le cas du Sénégal, juste avant la mise en service du câble, on comptait environ 13 000 abonnés à Internet à Dakar. Le débit n’était pas très bon mais souvent suffisant pour l’utilisation qu’en faisaient les particuliers. Ils payaient alors l’équivalent de 12 US dollars pour 20 heures de connexion mensuelle. En 2007, on compte 7 000 abonnés de plus avec une connexion optimale de navigation à 512 kbp/s mais qui revient à 30 US dollars en illimité. En bref, la connexion est meilleure mais dans l’absolu, elle est plus chère.
Pourquoi la mise en service de Sat3 n’a-t-elle pas fait baisser les prix de connexion ?
Pourquoi la mise en service de Sat3 n’a-t-elle pas fait baisser les prix de connexion ?
« Ca aurait pu et ça aurait dû se passer comme cela, admet Karine Perset, économiste à l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques, mais en fait l’accès à ce câble sous-marin est généralement limité à un seul opérateur et cet opérateur est systématiquement l’opérateur 'historique' (à l’origine, l’opérateur national, ndlr), donc il y a très peu de concurrence et cela a entraîné des prix très élevés ! », conclut-elle en insistant sur le « très ».
Des prix encore trop élevés dans les pays reliés au câble mais qui n’ont rien à voir avec ceux pratiqués dans les pays qui ont « raté le câble », selon l’expression de Nahmsath, membre de l’Atelier des Médias qui nous écrit du Togo. Pour eux, comme pour les pays enclavés qui n'ont pas accès au littoral, la facture pour emprunter cette bretelle d’accès au réseau international est carrément exorbitante, comme l’explique Annie Chéneau-Loquay, directrice de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique et présidente d’Africa NTI :
Annie Chéneau Loquay
Directrice de Recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et présidente d’Africa NTI : « Les prix sont absolument éhontés pour les gens qui n’étaient pas dans le consortium (qui a financé la construction de Sat3 ndlr) avant, comme la Mauritanie comme le Mali ! »
L’opérateur sud africain Telkom est l’un des principaux investisseurs dans le consortium Sat3 avec 13 % de participation pour 85 millions de dollars mais il en est un autre encore plus présent : c’est France Télécom. C’est ce que nous a fait remarquer Laurent Gille, de l’école d’ingénieur Telecom Paris-Tech. Si Telkom a fait de l’accès à Sat3 une « rente de situation », comme le dit Annie Chéneau Loquay, lui nous renvoie vers une certaine décision de justice concernant un litige entre France Télécom et l’Ile de La Réunion.
Sur l'Ile de la Réunion, des prix divisés par dix !
Il s’agit de la partie du câble qui relie l’Afrique australe à l’Europe, dénommée SAFE qui dessert l’Ile française de la Réunion. On est en 2002, et pour les Réunionnais comme pour les habitants des pays d’Afrique occidentale, le câble est un formidable espoir de sortir du no man’s land numérique. Mais le prix des connexions, ici aussi, rend le dispositif inexploitable. Jusqu’à ce que l’autorité de régulation française qui surveille l’application des directives européennes pour le prix d’accès aux télécommunications intervienne. Compte tenu de sa situation de monopole, France Télécom est alors mis en demeure de justifier ses tarifs, de fait injustifiables. Le résultat, confirmé par la cour d’appel de Paris est que le prix de routage des informations entre Paris et Saint Denis de la Réunion a été divisé par 10, passant de 15 000 € à 1 500 € par mégabit/seconde. Quand on vous dit que les prix sont exorbitants…
Combien la Sonatel, opérateur historique sénégalais racheté à hauteur de 43% de son capital par France Télécom retire-t-elle de sa main mise sur l’accès à Sat3 ? Selon le directeur des Ressources humaines de la Sentel, l’un des rares opérateurs de téléphonie mobile agréé au Sénégal cité par l’Association pour le Progrès des Communications, « la valeur marchande de l’accès au réseau international au Sénégal peut être estimée à 140 millions de dollars avec un potentiel allant jusqu’à 187 millions de dollars ». Un chiffre que l’opérateur sénégalais n’a jamais confirmé comme il n’a jamais voulu répondre à l’enquête d’APC quand il s’est agi de ses bénéfices. Or, ajoute cette étude, tous les fournisseurs d’accès internet sont obligés de faire transiter leur trafic international via la Sonatel.
L’espoir d’un câble plus accessible à l’est ?
Sans mauvais jeu de mot, le câble Eassy est un serpent de mer qui aurait déjà dû sortir de l’eau. Mais les conditions de financement pour ce deuxième grand réseau - le long des côtes orientales du continent cette fois - ainsi que les tractations entre les 22 opérateurs et la volonté de proposer un modèle plus ouvert ont retardé le démarrage du chantier. Entré en vigueur en 2008 avec beaucoup de retard, le contrat avec l’équipementier Alcatel-Lucent a finalement permis le début de la construction du réseau sous-marin qui devrait être achevé mi-2010, selon le responsable de la réduction de la fracture numérique chez Alcatel-Lucent, Thierry Albrand. Et cette fois, l’accès au câble devrait être plus facile, y compris pour ceux qui ne font pas partie du consortium de départ
Thierry Albrand
Responsable de la réduction de la fracture numérique chez Alcatel Lucent
« Le réseau EASSY est un réseau très ouvert où n’importe qui pourra venir se connecter... »
Alain Clerc est secrétaire exéc
utif du Fonds Mondial de Solidarité Numérique. Ce nouveau câble sous-marin, même d’un accès plus facile, il n’y croit pas vraiment. Pour reprendre l’image qu’il utilise, « ce n’est pas parce qu’un pipeline de gaz passe dans votre jardin que vous pouvez vous y brancher ». C’est la fameuse question du « dernier kilomètre » qui permet à l’utilisateur final de se connecter et qui fait trop souvent défaut en Afrique. Les opérateurs, eux, prétendent résoudre ce problème via la technologie sans fil. Faut-il les croire ?
Ce sera la prochaine et dernière partie de notre enquête participative sur le prix de l’Internet en Afrique.
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